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journal d'un détenu au quartier des "Isolés" - Prison des Baumettes à Marseille

05 - POEMES PRISONNIERS

En bas, un sol recouvert de déchets
Poubelles vidées aux fenêtres
Nourriture, bouteilles ou vêtements
En face, un mur de pierre
Chemin de ronde et caméra
Pointée sur ma cellule
A côté, un gros câble barbelé
Avec fils électriques branchés
Et lames de rasoirs dressées
En haut, enfin, un peu de ciel
Morceau juste assez grand
Pour voir l’humeur du temps
La liberté est là
Sous les bruits de clés
Ou dehors, des grosses cylindrées
Mêlés à celui de la pluie
Ou des gens qui crient

 

Détenu anonyme publié par Ban Public

En bas, un sol recouvert de déchets
Poubelles vidées aux fenêtres
Nourriture, bouteilles ou vêtements
En face, un mur de pierre
Chemin de ronde et caméra
Pointée sur ma cellule
A côté, un gros câble barbelé
Avec fils électriques branchés
Et lames de rasoirs dressées
En haut, enfin, un peu de ciel
Morceau juste assez grand
Pour voir l’humeur du temps
La liberté est là
Sous les bruits de clés
Ou dehors, des grosses cylindrées
Mêlés à celui de la pluie
Ou des gens qui crient
Détenu anonyme

*

*     *

Poètons ensemble, ô Poètes de l'ombre...

Parmi les plus grands poètes, quelques-uns ont fait l'expérience d'un séjour à l'ombre...

Voici quelques de leurs poèmes. Je pense qu'ils les auraient volontiers dédiés à tous ceux qui ne connaîtront jamais le vertige de la chute. Pour eux : point de salut...

 

 

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Poètes d'aujourd'hui :

Kamel : Slam aux Baumettes (2014)

Laurent Jacqua (2013)  : Prison, je vomis ton nom...

Josina GodeletFantomes

Patrick Moreau : Deux poèmes

Tentatives d'évasion (2014) : Ombres et Lumières à Clairvaux

Le  billet-poème : Paroles de détenus

Lutz Bassmann (2008) : Haïkus de prison

Philippe Leclercq (2006) : Murmures emmurés

Luigi Ciardelli (2001-2002) : Deux poèmes

Jacques Mesrine (1980) : Le Mitard 

 

Poètes d'hier :  

François VillonPaul Pellisson-Fontanier,

 Alfred de MussetPaul Verlaine

Oscar WildeGuillaume ApollinaireJean Genêt

 

Albertine Sarrazin

 

Poèmes en taule d'un Résistant et d'un Collaborateur : 

Robert DesnosRobert Brasillach

Des deux qui fut l'Ange et qui fut le Diable ?

 

Enfin, il aurait bien mérité cet Enfer

afin que d'y rêver plus d'une saison :  Arthur Rimbaud*

Et le poème d'un mineur anonyme détenu

au début du XX° siècle à la prison

de la Petite Roquette à Paris : "Ma cellule"

 

*

Debout  

écrit par David

Etre derrière des barreaux,

mais être debout
Etre dans une cage, 
mais être debout
Etre victime de brimades, 
mais être debout
Etre victime d'interdictions, 
mais être debout
Etre victime de restrictions, 
mais être debout
Etre dans un monde de non droit, 
mais être debout
Etre dans ce broyeur, 
mais être debout
Etre constament sous pression, 
mais être debout
Etre à son procès, 
mais être debout
Etre condamné, 
mais être debout
Etre enfin libre et être debout 
plus que jamais
Mourir…mourir un jour, 
mais être debout.

(Journal : l'envolée 2001)

 

***

Poètes d'ailleurs :

Wafae Charaf

Faraj Bayrakdar

Miguel Hernández

Marcos Ana

Armando Valladares

 

Des poètes derrière les barreaux

D'autres liens : 

 

Le cercle des poètes détenus 

Talents cachés // Paroles d'artistes

Sud Ouest (19/08/13) : Des poètes prisonniers récompensés

Des poètes derrière les barreaux, de F. Balandier (2012)

Poètes en prison // Poèmes de prisonniers, (2004)

 

 

 

"En lisant vos poésies" extrait du Cercle des Poètes Détenus

 

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Kamel a 25 ans et vient d'être jugé en première instance à 25 années de réclusion...

 

 

Pour écrire à Kamel :

CENTRE PÉNITENTIAIRE DES BAUMETTES 

Bouabdallah Kamel, numéro 173535

239 CHEMIN DE MORGIOU

13404 MARSEILLE CEDEX 20

 

Sur Facebook : Kamel Collectif

 

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Laurent Jacqua (2013) : Prison je vomis ton nom...

 

 

LIRE LA SUITE : Laurent Jacqua : Prison je vomis ton nom

 

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05 - POEMES PRISONNIERS

Patrick Moreau - deux poèmes

Le diable connait la chanson

Caméra sur la rue, Mirador à l’affût. Et à perte de vue, Des murs, des barbelés, Via l’arbitraire des féodés. Les barreaux aux fenêtres, Les matons, le parloir. Les cris dans les couloirs. Pour les îles au soleil, On verra ça plus loin. Plus tard. Dans leurs prisons, ta cellule, c’est ton horizon. Dans leurs prisons, le diable connait la chanson. Brimades, humiliations, Quelles que soient les raisons. Traquenards et croche-pieds. Si t’as pas le bon ticket, Ils te le feront cher payer. Le prétoire, le mitard, Les ordres aboyés. Les sévices en loucedé. Dans ce monde infernal, Même le pire en est banal. Dans leurs prisons, la loi, c’est celle du talion. Dans leurs prisons, le diable connait la chanson. Dans cet univers clos, Aux âpres surveillances, Prends-garde aux faut dévots Et entre en résistance. Ne laisse personne avoir ta peau. Devant l’autorité Castratrice des cours, Comment ne pas hurler ? Comment aimer d’amour Si le cœur n’est d’aucun secours ? Dans leurs prisons, à t’en faire perdre la raison, Dans leurs prisons, le diable connait la chanson. Dans leurs prisons, la nuit trinque avec les démons. Dans leurs prison, le diable est l’ami des matons.

Flash back

 

J’n’avais rien bu de la semaine

Ni même fumé, enfin, à peine.

La télé mentait au salon.

Le chat jouait sur le balcon.

Quand, d’un seul homme, ils sont entrés,

Sans un sourire et m‘ont sonné.

Ils m’ont balancé sur le sol.

Do ré mi do ré mi fa sol.

 

Coincé dans ce pandémonium,

Entre barbelé et valium,

Je ronge mon frein et ma santé.

La vie, tu sais, n’est pas un conte,

Faut pas croire tout c’qu’on te raconte.

On ne fait rien que nous enfumer.

 

 

 

J’ai pris 10 piges comme qui rigole,

Ça m’apprendra à faire le mariol.

Braqueur de banques, c’est un métier.

Y’a des trucs, faut pas y toucher.

Sitôt sorti du pourrissoir

Où j’ai vaincu ma peur du noir,

Je m’suis payé une conduite,

À crédit et un peu recuite.

 

La vie, tu sais, n’est pas un conte,

Faut pas croire tout c’qu’on te raconte.

On ne fait rien que nous enfumer.

La gauche, la droite et tout l’toutim,

C’est tout pareil à un champ d’mines.

Attention où tu mets les pieds.

 

La gauche, la droite et tout l’toutim,

C’est tout pareil à un champ d’mines.

Faudrait voir à se réveiller !!

 

 

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Fantomes par Josina Godelet

 

Les Fantômes la Nuit font revivre ces murs

Combien de désespoir, de souffrance et d'attentes ?

Dans ces pierres gravées depuis combien d années ?

Combien de femmes enfermées de coupables et d'innocents ?

De familles brisées par une longue attente..

 

Ils en ont vus ces murs divisant la prison

ces murs où sont gravés d'étranges souvenirs

Quand vient le nuit ils se parlent , ils gémissent et ils souffrent

ils transpirent de haines et de lointains soupirs

ils transpirent un parfum plus âcre que le souffre

 

9 mètres carrés forment une société

de 2 numéros sans personnalité

9 mètres carrés où à deux serrées

il n'y pas plus de place pour savoir espérer

 

Ces murs ont un passe, une histoire profonde

un désespoir aigu grave en chaque pierre

une accumulation de haines et de frondes...

 

Lire :

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Le billet-poème (2010) : Paroles de détenus 

 

Nicolas Lebeau a animé en 2010 des ateliers d'écriture poétique à la Maison d’Arrêt des Hommes deFleury-Mérogis. Sur son blog : lebilletpoeme.fr, il nous permet de le suivre pas à pas, dans cette 'aventure'.

 

Au fil de l’eau, ce sont 43 textes qui sont récoltés, lus devant tous, corrigés, approuvés par le groupe... 7 détenus au total ont participé au travail d’écriture. Ils se la sont appropriée...

 

Patou, Loïc, Oumar, Johan, David, Mohamed, Todor, Alain, Bakari, Jean Pierre, voici sept de leurs poèmes, mis en image par Murielle Poudoulec, infographiste

 



 

Lire l'article complet : Le billet-poème : Paroles de détenus (2010)

 

Contact : Le billet-poeme.fr

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Tentatives d'évasion

Ombres et lumières à Clairvaux

 

Ouvrage collectif

Sous la direction d'A-M Sallé & J. Salmon

 

Jacky, Frank, Kirru, Jean-Pierre, Éric, Agustin, Hadi, Dumé, Adrien, Bruno, Christophe, Denis, François, Gilles, Ilich, Djamel, Pascal, Sébastien, Neimo, Pierrot, Régis, Takezo, Tonio, Vincent, Yasine, Ali sont ou ont été détenus à la prison centrale de Clairvaux. Ils ont participé à ce travail d'écriture et de photographies...

 

"Les détenus auteurs des textes de cet ouvrage ont participé à des ateliers d'écriture et de photographie en collaboration avec les compositeurs invités du festival de musique « Ombres et lumières» et des artistes de différentes disciplines ; l’objectif – atteint comme l'atteste la qualité des textes produits – étant de libérer la parole des détenus et de leur offrir une possibilité d'évasion par la culture."

Ces textes retracent leur expérience, leur vie au sein de la prison, et des photos qu'ils ont pris de leur quotidien dans la maison centrale.

Vous pourrez aussi y trouver des textes des intervenants qui ont participé aux activités culturelles proposées aux détenus.

 

Les textes ont par la suite été mis en musique par des compositeurs de musique classique dans le cadre du festival "Ombre et Lumières" de Clairvaux. Les détenus ont été invités à assister au concert, dans le cadre du festival pour ceux qui avaient une autorisation de sortie, et au sein de la maison centrale où a été organisé un concert privé pour ceux qui ne pouvaient pas assister au festival. 

 

Pour plus d'infos : Editions Loco

info@latelierdedition.com

 

*

*     *

 

Jardin d’hiver (pour la cour de promenade)
poèmes écrits par Takezo

Ici j’ai vu périr hirondelles et nuages
En cage, le vent et les étoiles
Le bleu du ciel sous les barbelés et grillages

De vous à moi

De ma cellule à votre maison

Ce n’est qu’une question de perception


De l’odeur du mélèze

De la liberté

J’ai tout oublié


Dans l’écume de mon amertume
J’ai plongé ma plume
En mon cœur fané


Parfum de liberté
Demeure jusqu’à la fin de l’été
Destin brisés, chairs brûlées
Que de regrets ! "
 

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Lutz Bassmann (2008) Haïkus de prison

 

La feuille d’appel s’est envolée

trente détenus virevoltent

entre voie ferrée et nuages

 

Lutz Bassmann figure parmi les prisonniers fantasmatiques au passé révolutionnaire qui constituent le collectif des narrateurs du post‑exotisme, ce genre littéraire inventé par Volodine et théorisé dans Le Post‑exotisme en dix leçons, leçon onze.

Lutz Bassmann est donc un écrivain imaginaire. Il figure, dans la page qui porte d’ordinaire pour mention « du même auteur »... 

 

Lire l'article complet : Lutz Bassmann (2008) Haïkus de prison

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Philippe Leclercq Philippe Leclercq (2006) : Murmures emmurés

 

Le temps de l’autre côté des grilles

S’amasse en un confus brouillard
Où les traits du dessi
n s'accusent
Comme après la pluie les pavés
Ont des yeux de mica qui fusent…

 

 

Voici, en résumé, le début de son hagiographie :

 

"Philippe Leclercq est né meldois en 1960, et a vécu columérien sa prime jeunesse. Aîné d’une famille de trois enfants , il n’attendit pas son seizième anniversaire pour fuir ces “Trouloyaux”, et commencer une vie d’aventures , qui le mena de sa Seine-et-Marne natale aux terres du Nouveau Continent, en passant par l’Afrique noire, puis à la prison de la Santé, où il écrivit son premier livre, “Cuisine entre 4 murs”...

 

En 2006, il publie Murmures emmurées, un recueil de poèmes écrit à la Santé (la prison de la Santé), entre 1996 et 1998. Des mots et des phrases qui riment comme des ritournelles, murmures emmurés faisant écho aux vers d'Apollinaire...

 

(Disponible chez l’éditeur, pardefaut@cosmagora.com)

 

Convoi

 

 

Dessin de Laurent Jacqua : la mort et le prisonnier

Petit fourgon gris anonyme
Aux vitres calfeutrées de bleu
Qui emporte en catimini
Sans gyrophare ni sirène
D’entre les hauts murs de la Santé
Le suicidé de la nuit
Qui emporte en catimini
Les morts de la peine de mort abolie.

(Illustration : Laurent Jacqua : La mort et le prisonnier)

 

 

Musette



Derrière les barreaux       C’est la valse du prisonnier,
       Sans droguet, casquette et musette
       Sur le mur avec un clou rouillé,

Un jour encore c’est une barrette.
Derrière les pierres de la Santé
Y’a plus d’relègue ou d’départ pour Cayenne,
Y’a plus de chaîne aux pieds ferrés,
Mais toujours de la place pour la haine.


L’œil du gaffe à l’œilleton,
La prom’nade, les rations
Du rata que l’auxi véhicule…

Pesamment, derrière lui,

Les matons à grand bruit
Chiave en main referment les cellules.


C’est la valse des enchristés,
Sans droguet, casquette et musette
Sur le mur leurs larmes séchées

Ont tracé d’étranges silhouettes.
Derrière les murs de la Santé
Y’a plus les bois dans l’petit matin blême
Y’a plus d’son ni de sang dans l’panier
Mais toujours y’a des gars qu’on emmène.

 

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(Photo : Andrea Zani)

 

Luigi Ciardelli (2001-2002) Deux poèmes

 

Ces deux poèmes je les ai écrits quand j'étais aux Baumettes en 2001-2002...Les cafards qui sont encore là-bas sont les fils de ceux que j'ai décrit dans mon poème. Cachot aussi quand j'étais là en haut Q.D....presque dans le ciel. (Q.D. : quartier disciplinaire)

 

 

CAFARD

Dans mes cinq mètres sur trois,

Je vis en concubinage

Avec quelques cafards.

Je vis dans l'hygiène et j'aime la propreté,

Mais ils sont là !

 

Leurs trajectoires géométriques ne m'importunent pas,

Leur ascension des parois ne m'affole pas.

Aucune sensation de panique.

Phobie ?

 

Parce qu'ils sont porteurs de maladies,

Vecteurs d'infection ?

Voilà bien leur seule utilité.

Aucune odeur, aucune puanteur !

 

Leur langue n'est ni travestie, ni idiote,

Ni fausseté ni hypocrisie,

Ni jalousie, ni envie.

Ils ne vous font pas d'illusion,

Ils ne vivent ni d'amour intéressé,

Ni d'amitié mercenaire.

 

Qu'ils soient noirs, jaunes ou marrons,

Ils remuent leurs petites cornes …

Qu'ils sont loin, heureusement ! de l'humanité,

Celle qui a les vraies cornes !

 

Eux n'ont rien d'humain,

Ce sont seulement de petits êtres futiles

Qui sillonnent mes murs,

Dans une incessante recherche de nourriture.

Ils vivent dans les placards.

Je suis au placard avec mes cafards.

 

L'homme sillonne les planètes,

Semant haines et rancoeurs,

Labourant la tyrannies et ramassant son sang.

Qui est le véritable cafard ?

 

Homme, ne sens-tu pas l'odeur de ta conscience ?

Les maîtres de la planète devraient peut-être

Adopter des cafards sur leurs étendards.

 

 

CACHOT

 

J'aime le silence du châtiment

J'adore les privations qui lui appartiennent

Je cherche sans cesse le mal-être.

Une forme de masochisme ?

Ou plutôt une déviance innée à la souffrance ?

Difficile d'accepter l'idée,

Je suis si bien quand je souffre !

Peu m'importe comment.

Peut-être par manque d'amour,

Ou serait-ce le manque de drogue ?

L'auto-destruction poussée jusqu'à l'essence

De la douleur et de la rage.

 (La prison de KARZER - dessin de J Thuet )

 

J'habite la prison,

Lieu de souffrance, lieu si familier…

Souffrance, serre-moi, tu es toujours là,

Je ne peux pas vivre sans toi.

Inceste ?

Lorsque tu m'habites,

Tu ouvres devant moi des méandres inconnus.

Labyrinthe de ma mémoire.

J'avoue que tu m'as aidé,

Dans les moments les plus difficiles,

Ma vie n'a fait que te chercher,

Comme tout homme cherche l'amour.

Je t'ai connue dans les limbes de l'enfance,

Je t'ai toujours retrouvée…

       (Le Piranèse : Les Prisons imaginaires)

Difficile,

La façon dont l'homme pense trouver l'authentique souffrance,

Palpable dans toute son atrocité.

 

 

Lire aussi : Luigi Ciardelli : J'aime pas. L'aube...

 

 

Lire : Luigi Ciardelli (2013) Prisonnier du Rocher

 

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Jacques Mesrine : Le Mitard 

Oui, madame !

Il tourne, il tourne en des milliers de pas 

Qui ne mènent nulle part

Dans un monde béton, aux arbres de barreaux

Fleuris de désespoir

Inhumain..., rétréci..., sans aucun lendemain.

Sa pitance est glissée sous une grille à terre

Et dans un bol l'eau... pour qu'il se désaltère.

Il est seul..., sans soleil

Et n'a même plus son ombre.

Infidèle compagne, elle s'en est allée

Refusant d'être esclave de ce vivant mort-né.

Il tourne... il tourne et tournera toujours

Jusqu'au jour où vaincu en animal blessé

Après avoir gémi en une unique plainte

Il tombera à terre et se laissera crever.

Fleury-Mérogis...

Un jour de septembre 1976

Où j'existais si peu 

Que je n'étais même pas "personne"

Fleury-Mérogis...

Un jour de septembre 1976

Où j'existais si peu...

Je vous vois une larme...!

Pourquoi vous attrister ?

Pauvre chien, me dites-vous !

En voilà une erreur...

C'est un homme, Madame,

Il est emprisonné.

C'est celui que vos pairs ont si bien condamné

En rendant la justice au nom des libertés.

Fleury-Mérogis...

Un jour de septembre 1976

Où j'existais si peu 

Que je n'étais même pas "personne"

Fleury-Mérogis...

Un jour de septembre 1976

Où j'existais

 

Je vous vois une larme...!

Pourquoi vous attrister ?

Pauvre chien, me dites-vous !

En voilà une erreur...

C'est un homme, Madame,

Il est emprisonné.

C'est celui que vos pairs ont si bien condamné

En rendant la justice au nom des libertés. si peu...

Il tourne, il tourne, et tournera toujours,

 

Jusqu'au jour où vaincu en animal blessé

Il tombera à terre et se laissera crever.
Texte : Jacques Mesrine réuni par Trust

 

 

Trust (1980) Le Mitard - Texte de Jacques Mesrine

 

Lire aussi : Jacques Mesrine (2008) : L'instinct de mort

 

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POETES D'HIER

François VILLON (1431-1463 ?)


Condamné à être pendu, François Villon fut sûrement le premier poète de l'ombre. Il est admis, même si ce fait n'est pas clairement établi, que Villon composa La ballade des pendus lors de sa détention en attente de son exécution.

 

Sa peine fut commuée et il fut banni. Il a 32 ans quand on perd sa trace en 1463. Peut-être hante-t-il encore quelque geôle ...

 

Léo Ferré interprète la Ballade des pendus

 

Frères humains qui après nous vivez
N'ayez les coeurs contre nous endurciz,
Car, ce pitié de nous pauvres avez,
Dieu en aura plus tost de vous merciz.
Vous nous voyez ci, attachés cinq, six
Quant de la chair, que trop avons nourrie,
Elle est piéca devorée et pourrie,
Et nous les os, devenons cendre et pouldre.
De nostre mal personne ne s'en rie :
Mais priez Dieu que tous nous veuille absouldre !

 

Lire le poème dans son intégralité !

 

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Paul Pellisson-Fontanier (1624-1693) :

A la Bastille

Doubles grilles à gros clous, 
Triples portes, forts verrous, 
Aux âmes vraiment méchantes
Vous représentez l’enfer ; 
Mais aux âmes innocentes
Vous n’êtes que du bois, des pierres et du fer.

 

Pellisson est emprisonné à la Bastille après avoir été arrêté à Nantes, de 1661 à 1666. Il est arrêté avec le surintendant des finances, Nicolas Fouquet, dont il est le secrétaire particulier et le premier commis. Si les premières années, il bénéficient de conditions d'incarcération 'confortables', par la suite, en 1663, il subit alors le régime carcéral dans sa plus grande rigueur. Il est transféré dans un cachot étroit, humide et peu éclairé, il est privé de visites et de tout moyen de communiquer...

 

Mais qu'on se rassure, il ne finira pas sur l'échafaud : réhabilité (et ayant abjuré sa foi protestante), il deviendra l'historiographe du Roy de France...

 

(Source : Michèle Rosellini (2011) « Pourquoi écrire des poèmes en prison ? Le cas de Paul Pellisson à la Bastille », Les Dossiers du Grihl)

 

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Une Fenêtre des Barreaux

 

Alfred de Musset (1810-1857)


Poète romantique, Alfred de Musset,en 1841, se dérobe au service de la Garde nationale.

 

Il passe plusieurs jours en prison. Prison qu'il retrouvera en 1843, puis en 1849...

 

 

(Extraits - Lire l'intégralité du poème)

 

Le mie prigioni (mes prisons)

 

On dit : " Triste comme la porte
D'une prison. "
Et je crois, le diable m'emporte !
Qu'on a raison.
D'abord, pour ce qui me regarde,
Mon sentiment
Est qu'il vaut mieux monter sa garde,
Décidément.

 

 

 

 

Je suis, depuis une semaine,
Dans un cachot,
Et je m'aperçois avec peine
Qu'il fait très chaud.

Je vais bouder à la fenêtre,
Tout en fumant ;
Le soleil commence à paraître
Tout doucement.

 

C'est une belle perspective,
De grand matin,
Que des gens qui font la lessive
Dans le lointain.

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Paul VERLAINE (1844 - 1896)

Verlaine et Rimbaud quittent la France pour l'Angleterre et la Belgique.

En juillet 1873, Verlaine tire sur son ami deux coups de feu et pour cela il est condamné à deux ans de prison à Mons en Belgique.

En détention, il écrira 'Cellulairement', un recueil de poèmes jamais publié...

 

 

En 2013, une exposition lui est consacrée par le Musée du Livre et du Manuscript de Paris. Voir une courte vidéo de présentation...

 

 

Impression fausse

 

Dame souris trotte,

Noire dans le gris du soir,

Dame souris trotte

Grise dans le noir.

 

On sonne la cloche,

Dormez, les bons prisonniers !

On sonne la cloche :

Faut que vous dormiez.

 

Pas de mauvais rêve,

Ne pensez qu’à vos amours.

Pas de mauvais rêve :

Les belles toujours !

 

Le grand clair de lune !

On ronfle ferme à côté.

Le grand clair de lune

En réalité !

 

Un nuage passe,

Il fait noir comme en un four.

Un nuage passe.

Tiens, le petit jour !

 

Dame souris trotte,

Rose dans les rayons bleus.

Dame souris trotte :

Debout, paresseux !

Ciel Bleu derrière les barreaux

 

Le ciel est par-dessus le toit

 

Le ciel est, par-dessus le toit,

Si bleu, si calme !

Un arbre, par-dessus le toit,

Berce sa palme.

 

La cloche, dans le ciel qu'on voit,

Doucement tinte.

Un oiseau sur l'arbre qu'on voit

Chante sa plainte.

 

Mon Dieu, mon Dieu, la vie est là

Simple et tranquille.

Cette paisible rumeur-là

Vient de la ville.

 

Qu'as-tu fait, ô toi que voilà

Pleurant sans cesse,

Dis, qu'as-tu fait, toi que voilà,

De ta jeunesse ?

 

Reynaldo Hahn : 'D'une prison' poème de Verlaine chanté par Tino Rossi (1935)

 

 

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Arthur Rimbaud (1854 – 1891)

Allez ! Je ne résiste pas à mettre Rimbaud au donjon, avec Verlaine qui fut son compagnon - c'est bien fait pour eux, z'avaient kappa !

 

Il aurait bien mérité qu'on l'y foute, le bougre ! Seulement, il s'évada avant, il s'évada toujours, et aucun surveillant ne sut le retenir. Seule la Mort peut-être a pu le susprendre à la plus haute branche, la tête dans les étoiles et les pieds à l'envers...

 

Le Bal des pendus

 

 

 

Au gibet noir, manchot aimable,

Dansent, dansent les paladins,

Les maigres paladins du diable,

Les squelettes de Saladins.

 

Messire Belzébuth tire par la cravate

Ses petits pantins noirs grimaçant sur le ciel,

Et, leur claquant au front un revers de savate,

Les fait danser, danser aux sons d'un vieux Noël !

 

Et les pantins choqués enlacent leurs bras grêles :

Comme des orgues noirs, les poitrines à jour

Que serraient autrefois les gentes damoiselles,

Se heurtent longuement dans un hideux amour.

 

Hurrah ! les gais danseurs qui n'avez plus de panse !

On peut cabrioler, les tréteaux sont si longs !

Hop ! qu'on ne cache plus si c'est bataille ou danse !

Belzébuth enragé racle ses violons !

 

O durs talons, jamais on n'use sa sandale !

Presque tous ont quitté la chemise de peau ;

Le reste est peu gênant et se voit sans scandale.

Sur les crânes, la neige applique un blanc chapeau :

 

Le corbeau fait panache à ces têtes fêlées,

Un morceau de chair tremble à leur maigre menton :

On dirait, tournoyant dans les sombres mêlées,

Des preux, raides, heurtant armures de carton.

 

Hurrah ! la bise siffle au grand bal des squelettes !

Le gibet noir mugit comme un orgue de fer !

Les loups vont répondant des forêts violettes :

À l'horizon, le ciel est d'un rouge d'enfer...

 

Holà, secouez-moi ces capitans funèbres

Qui défilent, sournois, de leurs gros doigts cassés

Un chapelet d'amour sur leurs pâles vertèbres :

Ce n'est pas un moustier ici, les trépassés !

 

Oh ! voilà qu'au milieu de la danse macabre

Bondit dans le ciel rouge un grand squelette fou

Emporté par l'élan, comme un cheval se cabre :

Et, se sentant encor la corde raide au cou,

 

Crispe ses petits doigts sur son fémur qui craque

Avec des cris pareils à des ricanements,

Et, comme un baladin rentre dans la baraque,

Rebondit dans le bal au chant des ossements.

 

Au gibet noir, manchot aimable,

Dansent, dansent les paladins,

Les maigres paladins du diable,

Les squelettes de Saladins.

 

ARTHUR RIMBAUD

 

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Dessin d'un mineur incarcéré à la Prison de la Petite Roquette à Paris (début du XX° siècle)

 

Ma Cellule

Une pièce aux murs nus et dont l'aspect vous glace.

Un lit, une paillasse où l'on dort par besoin.

Comme distraction, des punaises en masse.

Un lavabo au mur, les W.C. dans un coin.

 

Quatre mètres sur deux et des murs de Bastille,

Les meubles y sont fixes et le linge grossier.

La croisée haut placée est close d'une grille.

Une nuée de gardiens rôde dans l'escalier...

Ma cellule, poème écrit par un mineu

emprisonné à la Petite Roquette

(vers 1909 ?)

 

 

Où donc est le printemps, l'air la verdure

Liberté que l'on aime que quand on la perdue

Il me faut aujourd'hui reposé sur la dure

Que je regrette fort tous mes beaux jours perdus

Je suis jeune en entrant, sortirai-je de même

M'en irai-je gracié, condamné ou mort 

Après avoir gâché le bel âge où l'on aime

Sortirai-je d'ici comme un vieillard en sort

 

Source : Le Blog de Philippe Poisson (08/09/14) : Les enfants de la Petite Roquette

 

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Oscar Wilde (1854-1900)

 

En 1895, Oscar Wilde est condamné par la Justice anglaise pour homosexualité. Il purgera sa peine au bagne, sous le matricule C.3.3. Deux ans après, il est libéré et quitte définitivement l'Angleterre. La Ballade de la geôle de Reading (1897) raconte son univers carcéral alors qu'on s'apprête à pendre un condamné. Oscar Wilde n'écrira plus jamais par la suite. Il mourra en exil...

       

          Oscar Wilde © Fotolia_Andreas Hilger

 

Lire le texte intégral en français, Lire la version originale : Ballad of Reading Gaol / Listen

 

La Ballade de la geôle de Reading – Traduction J. Guiloineau - Extraits

 

I

 

Son pas semblait gai et léger,

Mais dans ses yeux ouverts au jour

Jamais ne vis tant de regret.

 

Tant de regret jamais ne vis

Dans les yeux d’un homme, levés

Vers la petite tente bleue

Qu’est le ciel pour les prisonniers,

Vers chaque nuage qui passe

Toutes voiles d’argent gonflées.

II

 

Parmi d’autres âmes en peine,

Dans l’autre cercle je marchais,

En me demandant si cet homme

Avait commis un grand forfait,

Quand une voix a dit tout bas :

« Ce gars-là va se balancer ».

 

A en mourir de mort honteuse

Par un sombre jour de disgrâce.

Sous lui ses pieds ne tombent pas

 

Dans le grand vide de l’espace.

 

III

 

Il ne s’assied pas avec ceux

Qui restent pour le surveiller,

Au cas où il voudrait soustraire

A la prison son prisonnier,

Quand il laisse couler ses larmes

Ou quand il essaie de prier.

 

Il ne s’éveille pas pour voir

L’effroi dans le petit matin,

Il ne se lève pas en hâte

Pour se vêtir en condamné,

Sous le rire gras du docteur

Qui note ses tics affolés,

Lui dont la montre fait le bruit

De coups de marteau assénés.

 

IV

 

Quand son âme angoissée lui dit

Qu’il n’est pas mort, et qu’il pénètre

Au coeur de cet horrible abri,

Il ne regarde pas le ciel

Au-delà de ce toit de verre,

Pour que meure son angoisse,

Lèvre d’argile sans prière.

 

Mon Dieu ! Les murs de la prison

Soudain se mirent à tourner ;

Le ciel au-dessus de ma tête

Brûla comme un casque d’acier.

Et bien qu’étant une âme en peine

Ma peine cessai d’éprouver.

 

 

Et je savais quelle hantise

Animait son pas et levait

Son regard vers le jour brutal

 

Chacun tue ce qu’il aime...

 

(Lire la suite)

    (Fin du Poème)

XXIX

 

Aucun nom sur sa tombe écrit.

 

Laissons cet homme reposer.

Nul besoin de gâcher vos larmes

Ni d’exhaler de vains remords.

 

Il avait tué son amour

Aussi pour cela il est mort.

 

Pourtant chacun tue ce qu’il aime,

Salut à tout bon entendeur.

Aucun nom sur sa tombe écrit.

 

Laissons cet homme reposer.

Nul besoin de gâcher vos larmes

Ni d’exhaler de vains remords.

 

Il avait tué son amour

Aussi pour cela il est mort.

 

Pourtant chacun tue ce qu’il aime,

Salut à tout bon entendeur.

Lien vers :http://culture-et-debats.over-blog.com/article-11708170.html

 

Oscar Wilde et Alfred Douglas

Lire : Le procès d'Oscar Wilde

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Guillaume APPOLINAIRE (1880-1918)

 

En 1911, Apollinaire, mis en cause dans une affaire de vol de statuettes au musée du Louvre, est incarcéré peu de temps à la prison de la Santé, à Paris. Il meurt 'pour la France' en 1918. Il est alors âgé de 38 ans.

 

Lire : Franck Balandier in  Criminocorpus (25/05/10) 'Les prisons d’Apollinaire

 

 

 

Jean-Pierre Marielle : A la Santé

 

 A la Santé

 

I

 

Avant d'entrer dans ma cellule

Il a fallu me mettre nu

Et quelle voix sinistre ulule

Guillaume qu'es-tu devenu

 

Le Lazare entrant dans la tombe

Au lieu d'en sortir comme il fit

Adieu adieu chantante ronde

Ô mes années ô jeunes filles

II

Non je ne me sens plus là

Moi-même

Je suis le quinze de la

Onzième

Le soleil filtre à travers

Les vitres

Ses rayons font sur mes vers

Les pitres

Et dansent sur le papier

J'écoute

Quelqu'un qui frappe du pied

La voûte

 

 

III

 

Dans une fosse comme un ours

Chaque matin je me promène

Tournons tournons tournons toujours

 

Le ciel est bleu comme une chaîne

Dans une fosse comme un ours

Chaque matin je me promène

 

Dans la cellule d'à côté

On y fait couler la fontaine

Avec les clefs qu'il fait tinter

 

Que le geôlier aille et revienne

Dans la cellule d'à côté

On y fait couler la fontaine

IV

 

Que je m'ennuie entre ces murs tout nus

Et peints de couleurs pâles

Une mouche sur le papier à pas menus

Parcourt mes lignes inégales

 

Que deviendrai-je ô Dieu qui connais ma douleur

Toi qui me l'as donnée

Prends en pitié mes yeux sans larmes ma pâleur

Le bruit de ma chaise enchaînée

 

Et tous ces pauvres cœurs battant dans la prison

L'Amour qui m'accompagne

Prends en pitié surtout ma débile raison

Et ce désespoir qui la gagne

 

 

V

 

Que lentement passent les heures

Comme passe un enterrement

Tu pleureras l'heure où tu pleures

Qui passera trop vitement

Comme passent toutes les heures

VI

 

J'écoute les bruits de la ville

Et prisonnier sans horizon

Je ne vois rien qu'un ciel hostile

Et les murs nus de ma prison

Le jour s'en va voici que brûle

Une lampe dans la prison

Nous sommes seuls dans ma cellule

Belle clarté Chère raison

Robert Desnos

Robert Desnos (1900 – 1945)

 

Robert Desnos est arrêté en 1944. Il est mené à la prison de Compiègne d'où il sera déporté à Buchenwald puis jusqu'à Theresienstadt, en Tchécoslovaquie. Epuisé et malade, il meurt l'année suivante, en juin 45, un mois après la libération du camp par les Russes.

'Je pense à toi Desnos qui partit de Compiègne'... (L.Aragon)

 

Le Zèbre

 

Le zèbre, cheval des ténèbres,

Lève le pied, ferme les yeux

Et fait résonner ses vertèbres

En hennissant d’un air joyeux.

 

Au clair soleil de Barbarie,

Il sort alors de l’écurie

Et va brouter dans la prairie

Les herbes de sorcellerie.

 

Mais la prison sur son pelage,

A laissé l’ombre du grillage.

Victor Vasarely - Zèbres

 

 

Robert Brasillach (1909 - 1945)

Condamné à mort à la Libération pour son engagement dans la Collaboration sous l'Occupation, il fut emprisonné à Fresnes. Il fut fusillé au Fort de Mont-Rouge le 9 février 1945.

 

Fatalitas - un nègre au bagne

Bijoux

 

Je n'ai jamais eu de bijoux,

Ni bagues, ni chaîne aux poignets

Ce sont choses mal vues chez nous:

Mais on m'a mis la chaîne aux pieds.

 

On dit que ce n'est pas viril,

Les bijoux sont faits pour les filles:

Aujourd'hui comment se fait-il

Qu'on m'ait mis la chaîne aux chevilles ?

 

Il faut connaître toutes choses,

Être curieux du nouveau :

Étrange est l'habit qu'on m'impose

Et bizarre ce double anneau.

 

Le mur est froid, la soupe est maigre

Mais je marche, ma foi, très fier,

Tout résonnant comme un roi nègre

Paré de ses bijoux de fer.

 

 

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Jean Genêt (1910 - 1986)

Enfin ! un poète qui est mort vieux ! Cela rassurera peut-être certains d'entre nous...

'Le condamné à mort' est un poème écrit en 1942 par Jean Genet qui est alors incarcéré à la Prison de Fresnes pour vol. Il y développe les thèmes de l'homosexualité entre prisonniers. 

Lire aussi : Jean Genêt (1946) : Miracle de la Rose

Jean Genet © Fotolia_Andreas Hilger

 
Attention ! vos oreilles (et vos sens) peuvent être heurtés au récit d'amours inverties. Genêt aurait bien mérité pour cela d'être chez les Isolés des Baumettes...
 

Ecoutez le poème dit par Mouloudji !

 

 

Lire aussi la présentation de sa pièce théâtre : Haute surveillance, écrite dans le même temps que "Le condamné à mort", alors que Genêt était emprisonné à la prison de Fresnes.

 

 

Le condamné à mort

A la mémoire de Maurice PILORGE

assassin de vingt ans

 

Le vent qui roule un cœur sur le pavé des cours,

Un ange qui sanglote accroché dans un arbre,

La colonne d'azur qu'entortille le marbre

Font ouvrir dans ma nuit des portes de secours.

 

Un pauvre oiseau qui tombe et le goût de la cendre,

Le souvenir d'un œil endormi sur le mur,

Et ce poing douloureux qui menace l'azur

Font au creux de ma main ton visage descendre.

 

(...)

 

Appelez le soleil, qu'il vienne et me console.

Etranglez tous ces coqs ! Endormez le bourreau !

Le jour sourit mauvais derrière mon carreau.

La prison pour mourir est une fade école.

 

(...)

 

Ce n'est pas ce matin que l'on me guillotine.

Je peux dormir tranquille. A l'étage au-dessus

Mon mignon paresseux, ma perle, mon jésus,

S'éveille. Il va cogner de sa dure bottine

A mon crâne tondu.

 

Il paraît qu'à côté vit un épileptique.

La prison dort debout au noir d'un chant des morts.

Si des marins sur l'eau voient s'avancer les ports

Mes dormeurs vont s'enfuir vers une autre Amérique.

 

Lire L'intégralité du Poème

 

 

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Albertine SARRAZIN (1937 - 1967)

 

Arrêtée à seize ans, après un hold-up, Albertine Sarrazin fut emprisonnée à Fresnes.

Elle est morte à 29 ans, dont plus de huit passés en prison.

Putain et poétesse, son espérance de vie fut pour elle bien plus brève encore que celle de ses frères maudits...

 

Lire aussi : Albertine Sarrazin : Journaux de Prison

Voir le site qui lui est dédié et ses principales oeuvres.

 

 

 

Il y a des mois que j'écoute

Les nuits et les minuits tomber

Et les camions dérober

La grande vitesse à la route

Et grogner l'heureuse dormeuse

Et manger la prison les vers

Printemps étés automnes hivers

Pour moi n'ont aucune berceuse

Car je suis inutile et belle

 

En ce lit où l'on n'est plus qu'un

Lasse de ma peau sans parfum

Que pâlit cette ombre cruelle

La nuit crisse et froisse des choses

Par le carreau que j'ai cassé

Où s'engouffre l'air du passé

Tourbillonnant en mille poses

C'est le drap frais le dessin mièvre

Léchant aux murs le reposoir

 

Mais C'est la voix maternelle un soir

Où l'on criait parmi la fièvre

Le grand jeu d'amant et maîtresse

Fut bien pire que celui-là

C'est lui pourtant qui reste là

Car je suis nue et sans caresss

Veux dormir ceci annule

Les précédents Ah m'évader

Dans les pavots ne plus compter

Les pas de cellule en cellule

 

 

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Wafae Charaf - emprisonnée au Maroc

 

Wafae CHARAF , une jeune Marocaine emprisonnée 

suite à son soutien aux luttes syndicales, dans sa ville de Tanger

 

Wafae Charaf, poème du fond de sa cellule

(Traduit de l'arabe par Aziz Hmoudane)

 

S'il vous plait, ne m'interrogez pas
Est-ce une vérité ?
Est-ce un rêve ?
Interrogez-moi...oui...interrogez-moi
Je suis liberté éternelle absolue
Je suis la patrie libre
Je suis une femme révolutionnaire
Je suis une jeune rebelle
Je suis une jeune militante...J'ai abandonné ma famille et mes camarades
Je suis derrière les barreaux des cellules de la réaction
Ma voix..Résistance.
Ma voix...Révolution
Mon amour...Résistance.
Mon militantisme...continu
Emprisonnée, opprimée, réprimée et j'ai souffert
Je me suis rebellé et je me rebellerai...J'ai milité et je militerai
Je réfléchi et je dis
S'il vous plait, avez-vous vu une détenue se consoler elle-même ?
Je renouvelle confiance en moi
Mon sourire augmente d'avantage mon espoir
Mon amour est celui d'une patrie libre
Mon amour est celui de la femme libre
Prisonnière je le suis mais libre malgré les chaines

 

Source : L'Humanité (08/03/15)

 

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Faraj Bayrakdar (2012) : Ni vivant ni mort

 

Initialement écrit sur du papier cigarette alors qu’il avait été enfermé dans les geôles syriennes comme opposant au régime d’Hafez el Hassad, l'ouvrage a été complété par l'auteur, aujourd'hui en liberté, et le poète Saïd Nourine.

 

La malédiction lui a dit : sois

et il fut

Ses yeux, deux boutons de cuivre noirci

Son nez, un point d’exclamation

mal dessiné

Sa bouche, le silencieux d’un revolver

Et dans le détonateur, sa langue

Sur ses épaules, des paons en insigne

bouffis de défaites

 

 

 

Ses dettes

menacent les banques du sang

d’une faillite retentissante

De son cœur aveugle

il nous protège

et de barbelés

nous garde

Ses intentions sont piégées

et son sourire annonce la boucherie

La mort lui tient lieu de sagesse

et l’enfer de justice

Excusez-moi, je m’arrête

J’ai la nausée

Peut-être n’est-il pas tout à fait ainsi

Et pourtant

 

 Prison de Saidnaya, février 1993.

 

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Miguel Hernández (1910-1942)  : 

Martyre de l'Espagne franquiste

 

En été 1936, quand la Guerre d'Espagne éclate, Miguel Hernández s'engage avec l'armée aux côtés des Républicains. Arrêté en 1939, alors qu'il essayait de fuir l'Espagne, il est condamné à mort en 1940. La sentence fut commuée en 30 ans d'emprisonnement mais Hernández, atteint de tuberculose, mouru en prison à Alicante en mar 1942.

 

Pablo Neruda, dans le Chant Général (Canto General) lui a dédié un de ses poèmes : À Miguel Hernandez, assassiné dans les prisons de d'Espagne

 

 

Las cárceles - Les prisons

Las cárceles se arrastran por la humedad del mundo,

van por la tenebrosa vía de los juzgados:

buscan a un hombre, buscan a un pueblo, lo persiguen,

lo absorben, se lo tragan.

 

No se ve, que se escucha la pena de metal,

el sollozo del hierro que atropellan y escupen:

el llanto de la espada puesta sobre los jueces

de cemento fangoso.

 

Allí, bajo la cárcel, la fábrica del llanto,

el telar de la lágrima que no ha de ser estéril,

el casco de los odios y de las esperanzas,

fabrican, tejen, hunden.

 

Cuando están las perdices más roncas y acopladas,

y el azul amoroso de las fuerzas expansivas,

un hombre hace memoria de la luz, de la tierra,

húmedamente negro.

 

Se da contra las piedras la libertad, el día,

el paso galopante de un hombre, la cabeza,

la boca con espuma, con decisión de espuma,

la libertad, un hombre.

 

Un hombre que cosecha y arroja todo el viento

desde su corazón donde crece un plumaje:

un hombre que es el mismo dentro de cada frío,

de cada calabozo.

 

Un hombre que ha soñado con las aguas del mar,

y destroza sus alas como un rayo amarrado,

y estremece las rejas, y se clava los dientes

en los dientes del trueno.

Les prisons se glissent dans l'humidité du monde, 

elle s'en vont sur ​​le sombre chemin des tribunaux : 

à la recherche d'un homme, à la recherche d'un peuple,  

pour les poursuivre, les absorber, les avaler.

 

On ne voit pas, on entend pas leur peine métallique, 

ni les sanglots du fer qui piétinent et qui crachent : 

ni les pleurs de l'épée suspendue

au-dessus de  ces juges  faits de ciment fangeux. 

Ici en-dessous c'est la prison, c'est usine aux pleurs, 

 

le métier qui tisse les larmes fertiles, 

le casque de la haine et de l'espérance, 

qui fabriquent, qui tissent, qui submergent.

 

Et lorsque les perdrix accouplées se font plus rauques, 

et le bleu amoureux des forces plus explosives encore,  

un homme se souvient alors de la lumière, 

et de la terre, humide et noire. 

 

Contre ces pierres il cogne, voici sa liberté, voilà le jour,

c'est le passage d'un homme au galop, la tête 

et la bouche débordant d'écume, déterminé,

 

la liberté, un homme.

 

Un homme qui  récolte et sème tous les vents 

 

depuis le fond de son cœur où pousse un plumage : 

un homme qui reste le même quelque soit la froidure, 

de chaque donjon. 

 

 

Un homme qui a rêvé d'eau marine, 

un homme qui a détruit ses ailes comme un rayon de lumière, 

un homme qui secoue ses barreaux, 

et qui plantent ses propres dents 

aux dents de la foudre et du tonnerre.

 

(Traduction très personnelle de Bruno des Baumettes)

 

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Marcos Ana : Un poète du peuple

 

Fernando Macarro Castillo (né en 1920), connu sous le nom de Marcos Ana, est un poète espagnol. Il fut condamné à mort en 1943  par le régime franquiste, mais étant mineur, sa peine fut commuée en 30 ans de réclusion. Il fut incarcéré pendant vingt-deux ans, jusqu'en 1961.

 

« Vivre pour les autres est la meilleure manière de vivre pour soi-même »

 

Ma vie,

Je peux vous dire en deux mots:

Une cour.

Et un morceau de ciel

où passent parfois

un nuage

et un oiseau qui fuient leurs ailes.

 

 

Autobiographie

 

Mon péché est terrible : 

j’ai voulu remplir d’étoiles 

le cœur de l’homme. 

Et pour cela, derrière les barreaux, 

en vingt-deux hivers 

j’ai perdu mes printemps. 

Prisonnier depuis l’enfance 

et condamné à la mort, 

la lumière de mes yeux 

dessèche sur les pierres. 

Mais pas l’ombre d’un archange 

                Prisons - Solidarité Espagne (1972)                vengeur dans mes veines :

                              Cliquez sur l'image                               L’Espagne n’est que le cri 

 de ma douleur qui rêve.

 

A lire : Poésie Danger (23/01/13) : Marcos Ana, poète du peuple

 

*

*      *

 

Marcos Ana (2010) : Dites-moi à quoi ressemble un arbre

Mémoires de prison et de vie

 

"Je me dois à mes frères qui sont encore en prison, je dois sans relâche porter leur témoignage dans le monde. Mais Pablo insistait : - Tu dois te fier au pouvoir du témoignage écrit, la parole est fugace. Il s'agit de donner vie et de fixer sur le papier les histoires que tu m'as racontées cette nuit."

Ce livre est la preuve que Marcos Ana écouta, enfin, les conseils du poète chilien Pablo Neruda. Mémoires d'un homme qui fut condamné à mort à 19 ans et qui resta prisonnier 23 ans des geôles franquistes.

 

 

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Armando Valladares - Ils m'ont tout enlevé...

 

Armando Valladares fut un opposant politique cubain. Accusé de terrorisme, il fut arrêté en 1960. Il ne sortit de prison que 22 ans plus tard... Il a 73 ans aujourd'hui. Comme quoi, les geôles castrises, ça conserve !

 

Ils m’ont tout enlevé , les porte-plumes

les crayons, l’encre

car, eux,

ils n’aiment pas que j’écrive.

Et ils m’ont enfoui

dans cette cellule de châtiment

mais même ainsi

ils n’étoufferont pas ma révolte.

Ils m’ont tout enlevé

– enfin, presque tout –

car il me reste le sourire

l’orgueil de me sentir un homme libre

(…)

Ils m’ont tout enlevé, les porte-plumes, les crayons.

Mais il me reste l’encre de la vie

– mon propre sang - et avec lui,

j’écris encore des vers.

 

*

*     *

 

Armando Valladares (2000) : Mémoires de prison

 

Un témoignage hallucinant sur les prisons de Castro où il fut détenu pendant 22 ans. 

A la suite d'une campagne internationale, il fut libéré en 1983. Le président des Etats Unis Ronald Reagan le nomma alors ambassadeur des États-Unis auprès de la Commission des Droits de l'Homme aux Nations unies.

 

 

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Oscar Wilde - La ballade de la Geôle de Reading (suite)

V

 

Mais dans ses yeux ouverts au jour

Jamais ne vis tant de regret.

Tant de regret jamais ne vis

Dans les yeux d’un homme, levés

Vers la petite tente bleue

Qu’est le ciel pour les prisonniers,

Vers chaque nuage qui traîne

Sa toison blanche échevelée.

 

Sans mains tordues, comme ces hommes,

Ces pauvres hommes sans espoir,

Qui osent nourrir l’espérance

Dans le caveau du désespoir :

Il regardait vers le soleil

Et buvait l’air frais jusqu’au soir.

 

Sans mains tordues, sans une larme,

Sans un regard ni un soupir,

Il buvait l’air comme l’on boit,

Pour oublier, un élixir ;

La bouche pleine de soleil

Comme de vin ou de désir.

VI

 

Et les âmes en peine et moi,

Dans l’autre cercle nous marchions.

Etions-nous maudits et coupables

D’un crime, d’un forfait ou non ?

 

Et nous regardions d’un oeil las

Le promis à la pendaison.

 

Etrange de l’apercevoir,

Passer d’un pas gai et léger.

Etrange ce regret surpris

Dans ses yeux vers le jour levés.

 

Etrange de penser enfin

Qu’il aurait sa dette à payer.

 

Lugubre est l’arbre du gibet,

Racine mordue des vipères.

Mais sec ou vert, l’homme y mourra

Avant les fruits que l’on espère.

 

La Vie et l’Amour sont précieux...


 

VII

 

Nous l’observions, jour après jour,

Lourds de questions, l’oeil indiscret,

En craignant que chacun de nous

Ne finisse sur le gibet,

Car qui sait vers quel rouge Enfer

L’âme aveugle peut s’égarer.

 

Bientôt le mort ne marcha plus

Parmi les Hommes en Procès,

Et je sus qu’il était debout

Dans le banc noir des accusés,

Et que, par bonheur ou malheur,

Jamais je ne le reverrais.

 

Tels des vaisseaux dans la tempête,

Nos deux chemins s’étaient croisés,

Sans même un signe et sans un mot,

Nous n’avions mot à déclarer ;

Nous n’étions pas dans la nuit sainte

Mais dans le jour déshonoré.

VIII

 

Entourés d’un mur de prison,

Nous n’étions que deux réprouvés

Chassés tous deux du coeur du monde,

Et de Dieu même abandonnés :

Nous étions pris aux dents de fer

Du piège tendu au péché.

 

Dans la cour les pavés sont durs,

Le mur suintant est élevé.

C’était ici qu’il prenait l’air

Sous le ciel de plomb, escorté

(Car on craignait que l’homme meure),

Par deux gardiens à ses côtés.

 

Ou il s’asseyait avec ceux

Qui jour et nuit le surveillaient,

Au cas où il voudrait soustraire

A l’échafaud son condamné,

Quand il se levait pour pleurer,

Quand il se baissait pour prier.

 

IX

 

Le gouverneur se montrait ferme

Sur le règlement, la pratique.

Le docteur expliquait la mort

Comme un simple fait scientifique.

 

Et dans son âme résolue

La peur ne pouvait se cacher.

 

Souvent il se disait heureux

Que le jour du bourreau soit près.

Pourquoi cette parole étrange

Qu’aucun gardien ne demandait ?

 

Car celui qui a pour destin

D’être gardien, de surveiller,

Doit avoir pour visage un masque

Et garder les lèvres scellées.

 

Sinon il pourrait s’émouvoir,

Essayer de réconforter.

X

Que ferait la Pitié Humaine

Dans le Trou clos des Meurtriers ?

Quel mot de grâce en un tel lieu

Dire à son frère pour l’aider ?

 

Nous nous traînions dans notre cercle

Comme des Fous à la Parade !

Peu importait, car nous étions

Du Diable la triste Brigade :

Tête rasée et pieds de plomb,

Quelle joyeuse mascarade !

 

Comme une mer alourdie d’algues

Les jours se traînaient lentement.

Mais un soir, rentrant de corvée

On passa près d’un trou béant.

 

La gueule jaune de la tombe

Une proie vivante attendait,

Et la boue réclamait du sang

Au cercle d’asphalte assoiffé.

 

XI

 

Nous sûmes qu’avant l’aube claire

Un homme se balancerait.

La Mort, la Peur et le Destin,

Nous laissèrent l’âme occupée.

 

Le bourreau et son petit sac

Traversèrent l’obscurité :

Chacun trembla en se glissant

Dans sa tombe numérotée.

 

Ce soir-là, des formes de peur

Remplirent les couloirs déserts ;

Des pas glissèrent en silence

Dans toute la cité de fer ;

Près des barreaux, nuit sans étoiles,

Des visages blêmes guettèrent.

 

Il reposait comme on repose

Et rêve, en un plaisant jardin.

Les gardiens l’observaient dormir

Et se demandaient incertains :

Comment peut-on rester si calme

Quand le bourreau vient au matin ?

XII

 

Point de sommeil quand vont pleurer

Ceux-là qui n’ont jamais pleuré :

Car nous - escrocs, dupes, fripons -

Toute la nuit avons veillé.

 

Nos esprits et nos mains de peine

Vivaient la peur du condamné.

 

Eprouver le remords d’un autre !

Comment supporter cette horreur ?

Percés de l’épée du Péché

Jusqu’à sa garde de malheur.

 

Le sang que nous n’avions versé

Coulait dans le plomb de nos pleurs.

 

Et les gardiens chaussés de feutre

Venaient aux portes verrouillées

Pour observer, l’oeil plein d’effroi,

Des hommes gris agenouillés,

Etonnés de voir en prière

Ceux qui n’avaient jamais prié.

 

 

XIII

 

Nuit de prières à genoux,

Comme les veilleurs fous d’un mort !.

Chant du coq gris, puis du coq rouge,

Mais le jour ne s’est pas levé.

 

Les formes tordues de la peur

Rampaient où nous étions couchés.

Les esprits malins de la nuit

Par devant nous semblaient jouer.

 

Ils passaient et repassaient vite,

Tels des voyageurs dans la brume,

En délicats tours et détours

D’un rigodon devant la lune.

 

Au rendez-vous vinrent les spectres,

Grâce formelle, inopportune.

On les vit s’enfuir grimaçants,

Ombres frêles, main dans la main ;

Ici et là, troupe fantôme

Qui menait le bal du Malin.

XIV

 

Arabesques, damnés grotesques,

Le vent sur le sable au matin !

Pirouettes de marionnettes,

Danse des pieds, danse des corps,

Et leurs flûtes soufflaient la peur.

 

Un chant si long, un chant si fort,

Pour une affreuse mascarade,

Un chant à réveiller le mort.

 

Ho ! criaient-ils. Le monde est vaste !

Jeter les dés une ou deux fois :

Perd qui joue avec le Péché.

 

Ces bouffons étaient bien réels

Qui folâtraient avec gaîté.

 

Pour ceux qui étaient dans les fers,

Dont les vies souffraient enchaînées,

Plaies du Christ ! ils étaient vivants

Et terribles à regarder.

 

Ici, là, ils valsaient, tournaient ;

Ceux-là, en couple, minaudant ;

Ricanement, oeillade en coin,

Dans nos prières nous aidant.

 

XV

 

Le vent du matin a gémi

Mais la nuit poursuivit sa veille,

Car sur son métier géant, l’ombre

Tissait sa trame de merveille.

Et en priant, nous prenions peur

De la justice du Soleil.

 

Le vent du chagrin vint rôder

Aux murs de la prison des pleurs,

Et une roue d’acier grava

Chaque minute en notre coeur.

 

Vent du chagrin ! Qu’avions-nous fait

Pour mériter tel commandeur ?

 

Puis je vis l’ombre des barreaux

Comme un treillis de plomb fondu,

Devant mon lit fait de trois planches,

Trembler sur le mur blanc et nu.

Et, sur le monde, la terrible

Aurore de Dieu répandue.

XVI

 

A six heures, grand nettoyage,

A sept heures, tout se calmait.

Mais l’envol d’une aile puissante

Dans la prison sembla vibrer.

Souffle glacé, le Dieu de Mort,

Venait d’y entrer pour tuer.

 

Il n’avait pas l’éclat du pourpre,

Ne montait pas de blanc coursier.

Rien qu’une corde et une trappe

Que la potence réclamait ;

Le Héraut du lacet de honte

Accomplissait l’acte secret.

 

Comme des hommes qui tâtonnent

Dans l’ordure d’un marais noir,

Nous n’osions dire une prière

Ni montrer notre désespoir.

 

Une chose était morte en nous

Et cette chose était l’Espoir.

 

XVII

 

La sinistre Justice humaine

Suit droit sa route rigoureuse.

Fauche le fort, fauche le faible,

D’une démarche malheureuse.

 

Et nous attendions les huit heures,

La langue de soif épaissie ;

Les huit coups sont ceux du Destin

Par lequel un homme est maudit.

Le Destin prend un noeud coulant

Pour le meilleur et le bandit.

XVIII

 

Comme des rochers solitaires

Nous restions sans bouger, muets,

Mais chaque coeur battait très fort

Comme un tambour de forcené !

 

Puis l’horloge de la prison

A fait vibrer l’air brusquement,

Et la geôle émit une plainte

Dans son désespoir impuissant,

Cri de lépreux dans son repaire

Au fond de marais effrayants.

 

Car nous n’avions rien d’autre à faire

Qu’attendre que l’heure ait sonné.

 

XIX

 

Comme on voit des choses horribles

Dans le cristal d’un rêve enfui,

Nous vîmes la corde de chanvre

Fixée à la poutre noicie,

Et le bourreau qui étranglait

Une prière dans un cri.

 

Cette douleur qui l’étreignit,

Jusqu’à pousser ce cri hanté,

Regrets violents, sueur de sang,

Nul mieux que moi ne les connaît :

Qui a vécu plus d’une vie,

Plus d’une mort doit éprouver.

XX

 

Pas d’office dans la chapelle

Le jour où un homme est pendu.

L’aumônier a le coeur trop faible

Ou le visage trop tendu,

Ou ce qui s’écrit dans ses yeux

Par aucun ne doit être lu.

 

On nous boucle jusqu’à midi,

Puis on sonne la cloche vive.

Des gardiens la clef sonore ouvre

Les cellules trop attentives.

Pour prendre l’escalier de fer

De son Enfer chacun s’esquive.

 

Dans l’air pur de Dieu nous sortons,

Mais pas comme à l’accoutumée,

Car un visage est blanc de peur,

Gris l’autre visage levé,

Mais dans des yeux ouverts au jour

Jamais ne vis tant de regret.

 

XXI

 

Tant de regret jamais ne vis

Dans les yeux des hommes, levés

Vers la petite tente bleue

Qu’est le ciel pour les prisonniers,

Vers chaque nuage qui passe

Dans une heureuse liberté.

 

Parmi nous, il y avait ceux

Qui avançaient tête baissée.

Ils savaient qu’une vraie justice

Aurait dû les exécuter.

 

Il n’avait tué qu’un vivant.

Eux, c’est le mort qu’ils avaient tué.

XXII

 

Singes, clowns, habits monstrueux

Marqués de flèches étoilées,

Nous tournions, sans fin, en silence,

Glissant dans le cercle asphalté,

 

Nous tournions, sans fin, en silence,

Sans qu’un seul mot soit prononcé.

 

Nous tournions, sans fin, en silence,

Et soufflait le terrible vent,

Dans l’esprit vide de chaque homme,

De ses souvenirs effrayants.

Car si l’Horreur rampait derrière,

La Terreur paradait devant.

 

 

XXIII

 

Surveillant leur troupeau de brutes,

Tous les gardiens se rengorgeaient,

Avec leur tenue du dimanche,

L’uniforme qui reluisait ;

Mais la chaux vive de leur bottes

Nous disait ce qu’ils avaient fait.

 

Il n’y avait que sable et boue

Où s’était ouverte la tombe.

Le long des murs de la prison

On ne voyait aucune tombe.

 

Un petit tas de chaux ardente

Servait de linceul à cette ombre.

 

Ce misérable a un linceul

Que peu pourraient revendiquer :

Au fond d’une cour de prison,

Et pour sa honte dénudé,

C’est là qu’il gît, les fers aux pieds,

D’un drap de flamme enveloppé.

XXIV

 

Très lentement, la chaux ardente

Ronge chair et os tour à tour ;

Pendant la nuit, les os cassants,

La chair tendre pendant le jour ;

Ronge chair et os lentement,

Mais ronge les coeurs pour toujours.

 

Pendant trois ans, on ne pourra

Ici, ni planter ni semer.

Pendant trois ans, l’endroit maudit

Sera stérile et désolé,

Et, sans reproche, il fixera

Le ciel d’un regard étonné.

 

Un coeur d’assassin souillerait,

Croient-ils, le grain semé ici.

Faux ! La tendre terre de Dieu

Est plus tendre qu’on ne le dit.

 

La rose rouge y est plus rouge,

Et la rose blanche y fleurit.

 

 

XXV

 

Pour sa bouche une rose rouge

Et une blanche pour son coeur.

 

Les roses blanc de lait ou rouges,

Ici, jamais ne fleuriront.

Car on ne veut nous accorder

Que cailloux, silex et tessons.

 

Ils savent que les fleurs apaisent

Le désespoir de la prison.

 

Et des roses rouges ou blanches,

Jamais pétales ne tomberont

Sur ce sable et sur cette boue,

Près de l’affreux mur de prison.

 

Aussi, bien que le mur affreux

L’entoure de tous les côtés,

Bien qu’un esprit ne puisse errer

La nuit avec les fers aux pieds,

Bien qu’il ne puisse que pleurer

Qui repose en terre damnée,

Il est en paix - ce misérable -

Ou la paix sera vite en lui :

Plus rien ne peut le rendre fou,

Pas de Terreur en plein midi,

Car il n’est ni Soleil ni Lune

Dans la Terre obscure où il gît.

XXVI

 

Ils l’ont pendu comme une bête :

Le glas n’a même pas sonné,

Un requiem qui eût offert

La paix à son âme angoissée.

 

Puis ils l’ont emporté très vite

Et dans un trou ils l’ont caché.

 

Ils lui ont ôté ses habits,

Aux mouches l’ont abandonné :

Ils ont raillé son regard fixe

Et sa gorge rouge et enflée,

Puis ont jeté avec un rire

Leur linceul sur leur condamné.

 

Mais tout est bien ; il a franchi

La borne à la Vie assignée :

Les larmes d’autrui empliront

L’urne brisée de la Pitié ;

Des réprouvés le pleureront ;

Toujours pleurent les réprouvés.

 

Je ne sais si la Loi a tort

Ou si la Loi est équitable ;

En prison on sait seulement

Que le mur est infranchissable ;

Que chaque jour est une année

Dont les jours sont interminables.

 

XXVII

 

Je sais aussi - il serait sage

Que chacun en soit informé -

Que les prisons bâties par l’homme

Sont de briques d’iniquité,

L’homme par l’homme mutilé.

 

Des barreaux la lune est confuse

Et le bon soleil aveuglé ;

Ils ont bien raison de cacher

Leur Enfer, car nul ne doit le contempler !

 

Les viles actions, comme l’herbe

Empoisonnée s’y épanouissent ;

Seules les qualités de l’homme

S’y épuisent et s’y flétrissent ;

Au lourd portail l’Angoisse veille

Et le Désespoir aux supplices.

 

Certains deviennent fous ou pire

Et cela sans qu’un mot soit dit.

La cellule étroite où l’on vit

Est latrine obscure et souillée ;

Le souffle puant de la mort

Obstrue la lucarne grillée ;

Et tout est réduit en poussière

Dans la machine Humanité.

 

Ils nous donnent une eau saumâtre

Troublée de limon répugnant ;

Un pain dur, lourd de craie, de chaux,

Que l’on pèse soigneusement ;

Le Sommeil, hagard, ne dort pas,

Il marche en implorant le temps.

 

La faim maigre et la verte soif

Luttent tels vipère et aspic ;

Mais peu importe la pitance,

Ce qui nous glace et nous détruit,

C’est la pierre levée le jour

Qui devient notre coeur la nuit.

XXVIII

 

Minuit au coeur dans la cellule

Sombre, nous tournons le foret,

Nous rompons la corde en étoupe,

Chacun dans son Enfer privé,

Et le silence est plus affreux

Que la cloche d’airain sonnée.

Et jamais une voix humaine

Ne nous dit un mot d’amitié ;

Car l’oeil derrière le judas

Reste sévère et sans pitié.

 

Là nous pourrissons dans l’oubli,

Le corps et l’âme saccagés.

Et ainsi, nous rouillons la chaîne

De la vie, seuls et dégradés.

Certains jurent et d’autres pleurent,

Lui ne s’est jamais lamenté.

 

Dans la cellule ou dans la cour,

De chacun se brise le coeur,

Ah ! Heureux l’homme au coeur brisé

Qui gagne du pardon la paix !

 

L’homme en rouge qui lit la Loi

Lui laissa trois semaines de calme.

C’est un temps bien court pour soigner

Son âme en lutte avec son âme,

Et laver les gouttes de sang

Sur la main qui tenait la lame.

 

Et ses larmes de sang lavèrent

La lame et la main qui la tint ;

Seul le sang peut laver le sang,

Et les larmes donner les soins.

 

Dedans la geôle de Reading

Est une tombe d’infamie.

Dévoré pas des dents de flamme,

C’est là qu’un misérable gît,

Il gît dans un linceul ardent.

 

XXIX

 

Aucun nom sur sa tombe écrit.

 

Laissons cet homme reposer.

Nul besoin de gâcher vos larmes

Ni d’exhaler de vains remords.

 

Il avait tué son amour

Aussi pour cela il est mort.

 

Pourtant chacun tue ce qu’il aime,

Salut à tout bon entendeur.

Aucun nom sur sa tombe écrit.

 

Laissons cet homme reposer.

Nul besoin de gâcher vos larmes

Ni d’exhaler de vains remords.

 

Il avait tué son amour

Aussi pour cela il est mort.

 

Pourtant chacun tue ce qu’il aime,

Salut à tout bon entendeur.

Lien vers :http://culture-et-debats.over-blog.com/article-11708170.html

 

Oscar Wilde et Alfred Douglas

Lire : Le procès d'Oscar Wilde

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Jean Genêt : Le condamné à mort- poème

A la mémoire de Maurice PILORGE

assassin de vingt ans

Le vent qui roule un cœur sur le pavé des cours,

Un ange qui sanglote accroché dans un arbre,

La colonne d'azur qu'entortille le marbre

Font ouvrir dans ma nuit des portes de secours.

Un pauvre oiseau qui tombe et le goût de la cendre,

Le souvenir d'un œil endormi sur le mur,

Et ce poing douloureux qui menace l'azur

Font au creux de ma main ton visage descendre.

Ce visage plus dur et plus léger qu'un masque,

Et plus lourd à ma main qu'aux doigts du récéleur

Le joyau qu'il convoite ; il est noyé de pleurs.

Il est sombre et féroce, un bouquet vert le casque.

Ton visage est sévère : il est d'un pâtre grec.

Il reste frémissant aux creux de mes mains closes.

Ta bouche est d'une morte et tes yeux sont des roses,

Et ton nez d'un archange est peut-être le bec.

Le gel étincelant de ta pudeur méchante

Qui poudrait tes cheveux de clairs astres d'acier,

Qui couronnait ton front des pines du rosier

Quel haut-mal l'a fondu si ton visage chante ?

Dis-moi quel malheur fou fait éclater ton œil

D'un désespoir si haut que la douleur farouche,

Affolée, en personne, orne ta ronde bouche

Malgré tes pleurs glacés, d'un sourire de deuil ?

Ne chante pas ce soir les <<Costauds de la Lune>> !

Gamin d'or sois plutôt princesse d'une tour

Rêvant mélancolique à notre pauvre amour ;

Ou sois le mousse blond qui veille à la grand'hune.

Et descend vers le soir pour chanter sur le pont

Parmi les matelots à genoux et nus tête

L'ave maris stella. Chaque marin tient prête

Sa verge qui bondit dans sa main de fripon.

Et c'est pour t'emmancher, beau mousse d'aventure

Qu'ils bandent sous leur froc les matelots musclés.

Mon Amour, mon Amour, voleras-tu les clés

Qui m'ouvriront ce ciel où tremble la mature

D'où tu sèmes, royal, les blancs enchantements

Qui neigent sur mon page, en ma prison muette :

L'épouvante, les morts dans les fleurs de violette....

La mort avec ses coqs ; Ses fantômes d'amants...

Sur ses pieds de velours passe un garde qui rôde.

Repose en mes yeux creux le souvenir de toi.

Il se peut qu'on s'évade en passant par le toit.

On dit que la Guyane est une terre chaude.

O la douceur du bagne impossible et lointain !

O le ciel de la Belle, ô la mer et les palmes,

Les matins transparents, les soirs fous, les nuits calmes,

O les cheveux tondus et les Peaux-de-Satin !

Rêvons ensemble, Amour, à quelque dur amant

Grand comme l'Univers mais le corps taché d'ombres

Qui nous bouclera nus dans ces auberges sombres,

Entre ses cuisses d'or, sur son ventre fumant,

Un mac éblouissant taillé dans un archange

Bandant sur les bouquets d'œillets et de jasmins

Que porteront tremblants tes lumineuses mains

Sur son auguste flanc que ton baiser dérange.

Tristesse dans ma bouche ! Amertûne gonflant

Gonflant mon pauvre cœur ! Mes amours parfumées

Adieu vont s'en aller ! Adieu couilles aimées !

O sur ma voix coupée adieu chibre insolent !

Gamin ne chantez pas, posez votre air d'apache !

Soyez la jeune fille au pur cou radieux,

Ou si tu n'as de peur l'enfant mystérieux

Mort en moi bien avant que me tranche la hache.

Enfant d'honneur si beau couronné de lilas !

Penche-toi sur mon lit, laisse ma queue qui monte

Frapper ta joue dorée. Écoute il te raconte,

Ton amant l'assassin sa geste en mille éclats.

Il chante qu'il avait ton corps et ton visage,

Ton cœur que n'ouvriront jamais les éperons

D'un cavalier massif. Avoir tes genoux ronds !

Ton cou frais, ta main douce, ô môme avoir ton âge !

Voler voler ton ciel éclaboussé de sang

Et faire un seul chef d'œuvre avec les morts cueillies

Ça et là dans les prés, les haies, morts éblouies

De préparer sa mort, son ciel adolescent...

Les matins solennels, le rhum, la cigarette...

Les ombres du tabac, du bagne et des marins

Visitent ma cellule où me roule et m'étreint

Le spectre d'un tueur à la lourde braguette.

La chanson qui traverse un monde ténébreux

C'est le cri d'un marlou porté par la musique.

C'est le chant d'un pendu raidi comme une trique.

C'est l'appel enchanté d'un voleur amoureux.

Un dormeur de seize ans appelle de bouées

Que nul marin ne lance au dormeur affolé.

Un enfant reste droit contre le mur collé.

Un autre dort bouclé dans ses jambes noués.

J'ai tué pour les yeux bleus d'un bel indifférent

Qui jamais ne comprit mon amour contenue,

Dans sa gondole noire une amante inconnue,

Belle comme un navire et morte en m'adorant.

Toi quand tu seras prêt, en arme pour le crime,

Masqué de cruauté, casqué de cheveux blonds,

Sur la cadence folle et brève des violons

Égorge une rentière en amour pour ta frime.

Apparaîtra sur terre un chevalier de fer,

Impassible et cruel, visible malgré l'heure

Dans le geste imprécis d'une vieille qui pleure.

Ne tremble pas surtout, devant son regard clair.

Cette apparition vient du ciel redoutable

Des crimes de l'amour. Enfant des profondeurs

Il naîtra de son corps d'étonnantes splendeurs,

Du foutre parfumé de sa queue adorable.

Rocher de granit noir sur le tapis de laine

Une main sur sa hanche, écoute-le marcher.

Marche vers le soleil de son corps sans péché,

Et t'allonge tranquille au bord de sa fontaine.

Chaque fête du sang délègue un beau garçon

Pour soutenir l'enfant dans sa première épreuve.

Apaise ta frayeur et ton angoisse neuve,

Suce mon membre dur comme on suce un glaçon.

Mordille tendrement le paf qui bat ta joue,

Baise sa tête enflée, enfonce dans ton cou

Le paquet de ma bite avalé d'un seul coup.

Etrangle-toi d'amour, dégorge, et fais ta moue !

Adore à deux genoux, comme un poteau sacré

Mon torse tatoué, adore jusqu'aux larmes

Mon sexe qui te rompt, te frappe mieux qu'une arme,

Adore mon bâton qui va te pénétrer.

Il bondit sur tes yeux ; il enfile ton âme

Penche un peu la tête et vois-le se dresser.

L'apercevant si noble et si propre à baiser

Tu t'inclines très bas en lui disant : "Madame" !

Madame écoutez-moi ! Madame on meurt ici !

Le manoir est hanté ! La prison vole et tremble !

Au secours, nous bougeons ! Emportez-nous ensemble,

Dans votre chambre au Ciel, Dame de la merci !

Appelez le soleil, qu'il vienne et me console.

Étranglez tous ces coqs ! Endormez le bourreau !

Le jour sourit mauvais derrière mon carreau.

La prison pour mourir est une fade école.

Sur mon cou sans armure et sans haine, mon cou

Que ma main plus légère et grave qu'une veuve

Effleure sous mon col, sans que ton cœur s'émeuve

Laisse tes dents poser leur sourire de loup.

O viens mon beau soleil, ô viens ma nuit d'Espagne

Arrive dans mes yeux qui seront morts demain.

Arrive, ouvre ma porte, apporte-moi ta main,

Mène-moi loin d'ici battre notre campagne.

Le ciel peut s'éveiller, les étoiles fleurir,

Et les fleurs soupirer, et des prés l'herbe noire

Accueillir la rosée où le matin va boire,

Le clocher peut sonner : moi seul je vais mourir.

O viens mon ciel de rose, O ma corbeille blonde !

Visite dans sa nuit ton condamné à mort.

Arrache-toi la chair, tue, escalade, mords,

Mais viens ! Pose ta joue contre ma tête ronde.

Nous n'avions pas fini de nous parler d'amour.

Nous n'avions pas fini de fumer nos gitanes.

On peut se demander pourquoi les Cours condamnent

Un assassin si beau qu'il fait pâlir le jour.

Amour viens sur ma bouche ! Amour ouvre les portes !

Traverse les couloirs, descends, marche léger,

Vole dans l'escalier, plus souple qu'un berger,

Plus soutenu par l'air qu'un vol de feuilles mortes.

O traverse les murs ; s'il le faut marche au bord

Des toits, des océans ; couvre-toi de lumière,

Use de la menace, use de la prière,

Mais viens, ô ma frégate une heure avant ma mort.

Les assassins du mur s'enveloppent d'aurore

Dans ma cellule ouverte au chant des hauts sapins,

Qui la berce, accrochée à des cordages fins

Noués par des marins que le clair matin dore.

Qui grava dans le plâtre une Rose des Vents ?

Qui songe à ma maison, du fond de sa Hongrie ?

Quel enfant s'est roulé sur ma paille pourrie

A l'instant du réveil d'amis se souvenant ?

Divague ma Folie, enfante pour ma joie

Un consolant enfer peuplé de beaux soldats,

Nus jusqu'à la ceinture, et des frocs résédas

Tire d'étranges fleurs dont l'odeur me foudroie.

Arrache on ne sait d'où les gestes les plus fous.

Dérobe des enfants, invente des tortures,

Mutile la beauté, travaille les figures,

Et donne la Guyane aux gars, pour rendez-vous.

O mon vieux Maroni, ô Cayenne la douce !

Je vois les corps penchés de quinze à vingt fagots

Autour du mino blond qui fume les mégots

Crachés par les gardiens dans les fleurs et la mousse.

Un clop mouillé suffit à nous désoler tous.

Dressé seul au dessus des rigides fougères

Le plus jeune est posé sur ses hanches légères

Immobile, attendant d'être sacré l'époux.

Et les vieux assassins se pressant pour le rite

Accroupis dans le soir tirent d'un bâton sec

Un peu de feu que vole, actif, le petit mec

Plus élégant et pur qu'une émouvante bite.

Le bandit le plus dur, dans ses muscles polis

Se courbe de respect devant ce gamin frêle.

Monte la lune au ciel. S'apaise une querelle.

Bougent du drapeau noir les mystérieux plis.

T'enveloppant si fin, tes gestes de dentelle !

Une épaule appuyée au palmier rougissant

Tu fumes. La fumée en ta gorge descend

Tandis que les bagnards, en danse solennelle,

Graves, silencieux, à tour de rôle, enfant,

Vont prendre sur ta bouche une goutte embaumée,

Une goutte, pas deux, de la ronde fumée

Que leur coule ta langue. O frangin triomphant,

Divinité terrible, invisible et méchante,

Tu restes impassible, aigu, de clair métal,

Attentif à toi seul, distributeur fatal

Enlevé sur le fil de ton hamac qui chante.

Ton âme délicate est par delà les monts

Accompagnant encor la fuite ensorcelée

D'un évadé du bagne, au fond d'une vallée

Mort, sans penser à toi, d'une balle aux poumons.

Élève-toi dans l'air de la lune ô ma gosse.

Viens couler dans ma bouche un peu du sperme lourd

Qui roule de ta gorge à tes dents, mon Amour,

Pour féconder enfin nos adorables noces.

Colle ton corps ravi contre le mien qui meurt

D'enculer la plus tendre et douce des fripouilles.

En soupesant charmé tes rondes, blondes couilles,

Mon vit de marbre noir t'enfile jusqu'au cœur.

Oh vise-le dressé dans son couchant qui brûle

Et va me consumer ! J'en ai pour peu de temps,

Si vous l'osez, venez, sortez de vos étangs,

Vos marais, votre boue où vous faites des bulles

Ames de mes tués ! Tuez-moi ! Brûlez-moi !

Michel-Ange exténué, j'ai taillé dans la vie

Mais la beauté Seigneur, toujours je l'ai servie,

Mon ventre, mes genoux, mes mains roses d'émoi.

Les coqs du poulailler, l'alouette gauloise,

Les boîtes du laitier, une cloche dans l'air,

Un pas sur le gravier, mon carreau blanc et clair,

C'est le luisant joyeux sur la prison d'ardoise.

Messieurs je n'ai pas peur ! Si ma tête roulait

Dans le son du panier avec ta tête blanche,

La mienne par bonheur sur ta gracile hanche

Ou pour plus de beauté, sur ton cou mon poulet...

Attention ! Roi tragique à la bouche entr'ouverte

J'accède à tes jardins de sable, désolés,

Où tu bandes, figé, seul, et deux doigts levés,

D'un voile de lin bleu ta tête recouverte.

Par mon délire idiot je vois ton double pur !

Amour ! Chanson ! Ma reine ! Est-ce ton spectre mâle

Entrevu lors des jeux dans ta prunelle pâle

Qui m'examine ainsi sur le plâtre du mur ?

Ne sois pas rigoureux, laisse chanter matine

A ton cœur bohémien ; m'accorde un seul baiser...

Mon Dieu je vais claquer sans te pouvoir presser

Dans ma vie une fois sur mon cœur et ma pine !

Pardonnez-moi mon Dieu parce que j'ai péché !

Les larmes de ma voix, ma fièvre, ma souffrance,

Le mal de m'envoler du beau pays de France,

N'est-ce pas assez monseigneur pour aller me coucher

Trébuchant d'espérance.

Dans vos bras embaumés, dans vos châteaux de neige !

Seigneur des lieux obscurs, je sais encore prier.

C'est moi mon père, un jour, qui me suis écrié :

Gloire au plus haut du ciel, au dieu qui me protège

Hermès au tendre pied !

Je demande à la mort la paix, les longs sommeils,

Les chants des Séraphins, leurs parfums, leurs guirlandes,

Les angelots de laine en chaudes houppelandes,

Et j'espère des nuits sans lunes ni soleils

Sur d'immobiles landes.

Ce n'est pas ce matin que l'on me guillotine.

Je peux dormir tranquille. A l'étage au-dessus

Mon mignon paresseux, ma perle, mon jésus,

S'éveille. Il va cogner de sa dure bottine

A mon crâne tondu.

Il paraît qu'à côté vit un épileptique.

La prison dort debout au noir d'un chant des morts.

Si des marins sur l'eau voient s'avancer les ports

Mes dormeurs vont s'enfuir vers une autre Amérique.

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05 - POEMES PRISONNIERS
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